Amis internauts, soyez les bienvenus...
Le monument que vous allez visiter a une triple originalité.
Dans ce musée et dans ces cryptes, nous trouvons des témoignages de la foi des premiers chrétiens: le souvenir de l'abbaye nous rappelle ce qu'est la vocation des moines, essentielle aujourd'hui comme hier à la vie de l'Église; les aménagements liturgiques récents de l'église paroissiale évoquent le rassemblement quotidien du peuple de Dieu en ce lieu.
- Sarcophage des Compagnons de Saint
Maurice
Maurice était le chef de la légion
thébaine. Il a été martyrisé en 277, sous le
règne de Dioclétien et Maximien, avec sa légion de
6 670 soldats. Ses porte-étendard se nommaient Candide, Innocent,
Exupère, Victor et Constantin.
Tous les légionnaires ont préféré
se laisser mourir plutôt que de renoncer à leur foi chrétienne
en combattant des rebelles chrétiens et en sacrifiant aux dieux.
Leur martyre a eu lieu à Agaune sur la rive du Rhône: aujourd'hui
Saint-Maurice en Valais.
Le sarcophage de Marseille a servi d'ossuaire
à quelques reliques de Saint Maurice, tandis qu'un sarcophage voisin
a reçu celles de ses compagnons.
Ces sarcophages témoignent bien
d'un art triomphal, qui est celui de l’Église des années
380-400, quand l'empereur vient de décider d'interdire définitivement
le paganisme.
Le paganisme se retrouve sur le sarcophage
placé en face de l'escalier
sous les orgues. C'est une œuvre du IIe siècle, sculptée
pour une femme - Julia Quintina -, et qui représente les noces du
dieu Bacchus avec Ariane. La scène est plus mystique que réaliste,
et la cuve a été réutilisée, telle quelle,
sans doute à la fin du VIIIe siècle, pour y placer la dépouille
de l’Évêque de Marseille, Saint Mauront. Les chrétiens
des anciens temps ont assumé, souvent, avec beaucoup de tranquillité,
l'héritage païen.
- Sarcophage de Quatre du Nombre des
Sept Dormants
Ce fragment est en marbre de Carrare et il mesure 0,91 m de long (incomplet) sur 0,65 m de haut, 0,22 m de large (incomplet) et 0,10 m d'épaisseur. Il s'agit de la partie gauche (3) mutilée d'une grande face de sarcophage.
- Sarcophage des Saints Chrysante et
Darie
Selon la légende dorée, Chrysante serait le fils d'un noble de Narbonne profondément chrétien et qui serait même arrivé à convertir Darie, une jeune vierge chargée de le corrompre. Les deux jeunes gens, feignant d'être unis par l'amour charnel, auraient accompli de nombreuses conversions puis auraient été martyrisés en 211, par ordre du préfet Numérien. Il semble en fait que ces deux martyrs soient des saints romains et non pas narbonnais. Leurs reliques ont dû être apportées très tôt à Marseille, puisque Grégoire de Tours raconte des miracles relatifs à leur transport. Le sarcophage de Marseille n'a, de toute façon, sûrement. pas été sculpté pour les recevoir et il offre le portrait d'une jeune femme, qui, si elle ne se rattache pas exclusivement à la scène du martyre de Paul, pourrait. fort bien être la défunte.
- Bas-relief représentant Saint
Blaise et Saint Laurent (5)
"Dans ce tombeau repose l'abbesse Tillisiola
qui soutint la gloire de son nom par sa vie et ses œuvres. Épouse
du Christ, et pieuse vierge imitatrice fidèle de Marie, elle fut,
pendant quarante ans, à la tête des vierges sacrées.
Elle vécut soixante-dix ans. Elle mourut le 7 des ides d'avril-
Indiction huitième."
En dehors de cette inscription nous n'avons
rien concernant cette pieuse servante de Jésus-Christ; et du tombeau
nous n'avons, dans Ruffi et Grosson, que la simple indication.
-Chapelle et Atrium du Ve siècle
Au début du Ve siècle arrive à Marseille celui qui va être un des plus grands personnages de son histoire: Saint Jean Cassien. Né vers 365 dans une famille de la Dobroudja près des Bouches du Danube, moine à Bethléem, moine pèlerin en Égypte, diacre de Saint Jean-Chrysostome à Constantinople, prêtre à Antioche ou à Rome, le voilà au printemps de 416 à Marseille où l'évêque Procule le retient et où il installa la vie monastique sur cette paisible rive sud du Lacydon. Il construit une petite chapelle, une "memoria", sur la tombe des deux martyrs pour y célébrer l'Eucharistie.
L'édifice se compose de deux parties
:
- Une salle à trois nefs, que nous
avons sous les yeux. La nef centrale (où se trouve l'autel qui remploie
un sarcophage antique, dévolu aux reliques de Cassien) (à)
est la mieux conservée. Celle de gauche, très étroite,
est encore reconnaissable; celle de droite a été très
remaniée.
Dans le sol, des tombes rupestres: quatre
ont été laissées visibles par les archéologues
au-dessous de l'autel. Deux squelettes assez abîmés (voir
leur photo sur le pilier de gauche) étaient conservés dans
les deux tombes médianes. Une monnaie de Dèce, l'auteur de
la persécution de 250, était prise dans le mortier de fermeture.
F. Benoît a supposé qu'il pouvait s'agir de martyrs, peut-être
Volusianus et Fortunatus, mais rien ne le prouve.
- Une salle carrée plus vaste là l'arrière-plan) à laquelle on a parfois donné le nom "d'atrium". En nous plaçant en B, nous pouvons considérer :
. son ordonnance, d'ailleurs bien dégradée aujourd'hui Les piliers en pierre remplacent les colonnes de granit enlevées à la Révolution: l'une d'elles porte le buste d'Omettre, rue Moutier),
. son élévation: la couverture antique a disparu, mais elle pouvait être aussi haute que la couverture actuelle lune partie du monument était donc visible de loin, au-dessus du front de taille de la carrière)
. son décor: noter les restes de mosaïques au-dessus de l'arcature ouest, plus riche que le décor en stuc également conservé à l'entrée de la nef et de la petite salle que nous avons déjà visitée.
(La réunion de ces deux salles forme le monument funéraire le plus important du site: mausolée d'un riche chrétien peut-être placé près des restes du martyr Victor). On ne sait.
En revanche, on est sûr de la date du monument, qui appartient à l'Antiquité tardive, car la fouille accomplie en ce lieu, en 1971-74, a mis au jour, dans la cour qui longe la rue, derrière la crypte, un canal pour l'évacuation des eaux. Il est daté de la fin du Ve siècle et il est solidaire, dans les parties hautes, du mur qui entoure l'escalier, et de celui de la salle carrée.
"Le nom médiéval de Notre Dame de Confession signifie Notre Dame de la Crypte." Il s'applique aussi à la statue de la Vierge Marie conservée à cet endroit. Elle est en noyer polychrome, fin XIIIe siècle. La robe de la Vierge est vert sombre, avec des étoiles dorées, et celle de l'enfant dorée avec des étoiles vertes. Par ce jeu de couleurs, le vêtement de la mère fait ressortir celui de son fils. Ce dernier tient en main la sphère du monde.
- Le "confessionnal de Saint Lazare"
et les "catacombes" (C)
En pénétrant à l'est
dans l'espace C, nous nous trouvons en un lieu qui a été
profondément remanié. Noter au-dessus de l'autel le bas-relief
représentant Sainte Marie-Madeleine, de l'école de Pierre
Puget (XVlle siècle) mais auparavant les hommes du haut Moyen Âge
avaient sculpté à droite l'étonnante figure dans laquelle
les Marseillais ont voulu reconnaître Saint Lazare
(d'où le nom de "Confessionnal de Saint Lazare" donné à
cet endroit), et à gauche le pilier sur lequel se voient le serpent
et l'arbre de Vie.
Du haut Moyen Âge datent sans doute, à la voûte, les
deux croix inscrites dans un cercle, entourées des lettres Alpha
et Oméga, début et fin de l'alphabet grec: le Christ principe
et fin de toute chose...
Dans l'Antiquité, cette anfractuosité
de rocher avait sans doute servi-elle aussi de cimetière. Peut-être
est-ce là que fut déposé Victor ? Ses biographes disent
en effet qu'il avait été placé dans le rocher rapidement
taillé, à la hâte".
Aller jusqu'à l'extrémité
du petit corridor qui s'ouvre à gauche et que l'on appelle improprement
"catacombe". A travers la grille, on peut voir l'empilement des sarcophages
de la nécropole environnante, pressés contre les murs de
Notre Dame de Confession. Ils témoignent de la vénération
que les anciens portaient à ce lieu.
En revenant, à main gauche, noter
le petit sarcophage d'enfant (8)
, oeuvre antique qui représente les Amours en train de forger les
armes du dieu Mars. Il est important
parce qu'il évoque la présence en ce lieu, au Moyen Âge,
des reliques des Saints Innocents de Bethléem. Dr c'est parce qu'il
se sentait heureux près d'elles que le jeune Isam a choisi de rester
ici, au début de sa carrière. Il devait devenir abbé
du monastère, et Saint.
La tombe de Victor, sans doute. La dévotion des anciens, sûrement. L'appel de la vocation pour Isarn... Ces quelques mètres carrés sont peut-être les plus chargés d'histoire de tout Saint-Victor.
(Sortir, tourner à droite, longer la petite nef et aller vers le fond).
- Sarcophage de Sainte Eusébie (9)
D'après Femand Benoît, ce
sarcophage est en marbre de Carrare et il mesure 2,05 m de longueur, 0,54
m de hauteur, 0,62 m de largeur et 0,08 m d'épaisseur. Seule,
la cuve, rectangulaire, demeure. Elle n'est pas décorée sur
les petits côtés.
La cuve est divisée verticalement
en cinq compartiments dont le deuxième et le quatrième sont
ornés de strigiles et bordés, en haut et en bas seulement,
d'un bandeau mouluré. Les bordures verticales de ces strigiles,
constituées par un simple liseré, jouxtent maladroitement
les autres motifs, donnant une impression de non fini. Les motifs des autres
compartiments sont: à gauche,
Moise faisant jaillir la source à
laquelle s'abreuvent deux petits personnages coiffés du bonnet pannonien.
Le compartiment du centre est à deux registres superposés;
sur la partie supérieure, le défunt en imago clipeata et
au-dessous, une scène abrégée du cycle de Jonas: Jonas
près du monstre marin et reposant sous la cucurbite. Enfin, le compartiment
de droite nous montre Moïse près d'un autel d'où jaillit
une flamme et recevant la Loi sur le mont Sinaï.
Plaque portant une inscription en l'honneur
d'une sainte religieuse de Marseille, très probablement du Ve siècle,
Sainte Eusébie, et au-dessous de laquelle est placé un sarcophage
qui lui a été faussement attribué.
"Ici, repose en paix la religieuse Eusébie,
grande servante du Seigneur, qui passa ses premiers quatorze ans dans le
siècle; puis, dès qu'elle fut choisie par Dieu, vécut
cinquante ans dans le monastère de Saint-Cyr. Elle quitta ce monde
la veille des Calendes d'octobre. Indiction sixième."
- Sarcophage des Compagnes de Sainte Ursule (10)
Selon Ruffi, ce tombeau est celui de deux
vierges du nombre de celles qui souffrirent le martyre avec Sainte Ursule.
Sur un plan de l'église inférieure de "l'insigne, noble collégiale
abbaye des comtes de Saint-Victor-les-Marseille" fait en l'an 1777, le
nom de ces Deux Saintes était censé être Vincentia
et Benedicta.
Il existe plusieurs versions de la légende
de Sainte Ursule et de ses compagnes.
Ce sarcophage est en marbre de carrare,
et sa cuve mesure 1,85 m de long en haut et 1,90 m en bas, 0,42 m de haut
et 0,65 m de large, tandis que son couvercle mesure 1,84 m de long sur
0,23 m de haut et 0,64 m de large.
La cuve a une forme particulière,
puisque ses petits côtés sont verticaux dans leur partie supérieure,
puis renflés et convexes dans la partie basse, donnant à
la cuve un évasement assez étonnant. Le couvercle lui-même
est d'une forme assez complexe. C'est un couvercle en batière avec
deux acrotères à l'arrière et une frise à l'avant-
Son petit côté gauche n' en porte pas mais a le fronton percé
d'un trou rectangulaire.
- Tombeau d'Hugues de Glazinis (11 )
Un tombeau vide d'ossements et entièrement
à découvert. C'était celui d'Hugues de Glazinis, sacriste
de l'abbaye.
La Révolution a profané
ses restes sacrés; mais l'histoire n'a pas oublié les vertus
et les oeuvres qui lui méritèrent l'honneur de l'arcosolium.
Au-dessus du tombeau, plaque de marbre
blanc de 0,48 m de hauteur sur 0,42 m de largeur.
En voici la restitution avec le redressement
des parties abrégées:
"Hugo sacriste, que couvre cette humble
pierre, se réjouit avec les Saints du Ciel et dans la compagnie
de Michel; fleur et gloire de tous les moines, imitateur des saints, il
mérita d'être enseveli dans ce temple qu'il a relevé
quasi de fond en comble. Son corps fut déposé le huitième
jour de novembre."
"Si à M (mille) l'on joint deux fois C (cent) suivie de L (cinquante), l'on a l'année où il fut placé au-dessus des astres (1250)."
Ce petit édifice, situé dans
le même axe que Notre Dame de Confession, était séparé
d'elle dans l'antiquité par un espace qui a été couvert
de voûtes au XIIIe siècle.
Les puissantes fondations de la tour d'lsarn,
aux blocs monumentaux, encadrent les murs antiques de la chapelle, plus
frêles (en D sur le plan).
L'édifice doit son nom actuel aux
reliques de l'Apôtre Saint André qu'il abritait jusqu'à
une date récente. Elles ont été restituées
à l'Église de Patras. L'icône moderne sur le mur du
fond garde le témoignage de cette restitution (1980).
A l'origine, il s'agissait d'un simple
édifice funéraire, moins monumental que Notre Dame de Confession.
Voir sous le dallage les restes des sarcophages
enfouis, et surtout, par l'ouverture qui a été pratiquée
à l'Est (à droite), les vestiges du cimetière environnant
qui n' est qu'une partie de la vaste nécropole antique représentée
sur
- L'inscription de Lazare
On pouvait encore voir au XVIle siècle
dans les cryptes cette inscription funéraire en langue latine. Elle
était alors à demi effacée. La date du décès
avait presque entièrement disparu: peut-être le 31 août
441 ? Mais le nom du défunt est parfaitement clair. Il s'agit du
"pape" Lazare, c'est-à-dire, dans la langue du Ve siècle,
de l'évêque Lazare.
"Ci gît le pape Lazare, de bonne
mémoire, qui vécut dans la crainte de Dieu plus ou moins
soixante-dix ans et s'endormit dans la paix la veille des Kalendes de septembre..."
- L'inscription de Volusianus
Une plaque, malheureusement endommagée,
portant une inscription célèbre fut trouvée dans les
cryptes en 1799. On y lit les noms de deux hommes: "Volusianus" et "Fortunatus".
Malgré certaines interprétations différentes, les
archéologues et les historiens spécialisés y voient
l'épitaphe d'une tombe de deux martyrs; l'épigraphie la date
de la seconde moitié du IIIe siècle. Voici la traduction
de ce texte qui nécessite certaines restitutions.
Hygia désigne la donatrice; des
analyses rigoureuses du texte reconnaissent dans la dernière phrase
un appel à l'Espérance, ce qui est incontestablement de résonance
chrétienne.
Un bref retour en arrière est indispensable pour découvrir, en G, la plaque funéraire d'lsarn. C'est une œuvre monumentale de la deuxième partie du XIe siècle, taillée dans le fond d'une cuve de sarcophage antique. Admirer le jeu élégant des lettres qui en font autant un décor qu'une inscription, et surtout la figure de l'abbé, noble et pacifique, à côté de laquelle est en place le bâton en forme de T, symbole de son office.
C'est un visage fait de rude et sauvage grandeur, qu'lsam semble prêter à son époque, tel qu'il apparaît sur la dalle de son sarcophage où l'artiste l'a représenté la face découverte, tandis que le reste de son corps gît caché sous le marbre, marbre où se lit l'éloge des vertus du saint abbé: sa chair est abolie, son âme est ad alta, seul demeure l'exemple de son esprit pacifique et joyeux.
De notre illustre père Isarn
ce sont là les restes sacrés, les membres rendus glorieux
par tant de mérites. Son âme, elle, est heureusement parvenue
aux cieux. De mœurs exceptionnelles et d'esprit pacifique il était
accompli en toutes formes de vertu. Homme de Dieu, il était pour
tous et en tout joyeux. Ce qu'il enseigna il le mit en pratique, abbé
bon et bienheureux.
De ses disciples aussi il fit des hommes bons. Telle fut sa règle de vie et contraint de passer le seuil de l'existence c'est avec courage qu'il la quitta. Il régit, fidèle, deux fois dix plus sept (27) ans, le doux troupeau du Seigneur à lui confié, qu'il abandonna le huit des Kalendes d'Octobre (24 septembre ) pour entrer dans te lumineux royaume. (Autour de ta tête)
(Aux pieds)
|
C'est sans doute peu de temps après
la mort d'lsarn que son gisant a été sculpté, au tout
début de la première moitié du XIe siècle,
en même temps que Raimbaud, archevêque d'Arles (1030-1070),
qui avait été son disciple, passait commande de la Vita,
notre unique source, ce qui, au XIe siècle, représentait
l'équivalent de ce qu'est pour nous, aujourd'hui, une canonisation:
Saint Isam est fêté par la liturgie, dans le diocèse
de Marseille, à la date du 24 septembre.
Les restes de fresques que l'on découvre
à la voûte en empruntant l'escalier de sortie fournissent
la meilleure introduction à la visite de l'église supérieure,
car elles représentent sans doute ces moines et ces travailleurs
qui l'ont bâtie.
Extraits de "l'Abbaye Saint-Victor", guide réalisé par le Père Jean-Pierre Ellul, curé de Saint-Victor